L’esprit du guerrier : Jeux Invictus

Riad Byne (Terry D. Cuffel)

Courage et détermination marqueront le parcours aux Jeux Invictus 2017.


Dans la noirceur de cette nuit du 2 octobre 1994, à 21h33, la balle de fort calibre d’un tireur embusqué à 800 mètres de là, dans le secteur musulman de la ville d’Ilijas, en Bosnie-Herzégovine, transperce le blindage du véhicule où se trouve l’adjudant des Forces canadiennes Tom Martineau. Le projectile traverse le bras gauche du soldat et atteint ses organes internes, déchiquetant son rein gauche, arrachant sa rate et fracturant sa 12e vertèbre thoracique, laissant Martineau immédiatement paralysé en bas de la taille.

« J’ai su aussitôt que mon élan de golf en serait affecté », raconte à la blague le résidant de Kingston, Ontario, qui fête ses 57 ans en juin.

Faisant partie de la douzaine de golfeurs de l’équipe canadienne qui participera aux Jeux Invictus 2017 en septembre prochain, à Toronto, Martineau peut maintenant en rire, mais les blessures physiques que les soldats subissent au front s’avèrent souvent moins horribles que les démons psychologiques qui les accompagnent. Devenu dépendant à l’alcool et à  la drogue suivant son traumatisme, Martineau a envisagé le suicide.

« J’avais le canon d’un fusil chargé dans la bouche, se rappelle-t-il, et soudain, je me suis demandé : “Qui va prendre soin de mon chien?” »

Martineau a retiré l’arme de sa bouche et débuté le long périple qui allait le ramener à la lumière – un parcours difficile que partagent des anciens combattants, partout dans le monde, s’efforcant de dompter leurs démons et de réintégrer la société civile.

Pour nombre d’entre eux, c’est le sport qui leur a permis de se réorienter et de trouver une nouvelle raison de vivre. On en a vu la manifestation éclatante aux Warrior Games, un événement sportif pluridisciplinaire créé en 2010 aux États-Unis pour les militaires et vétérans gravement blessés ou malades. La cérémonie d’ouverture de l’édition 2013, au Colorado, fut présidée par le prince Harry, alors capitaine de l’armée britannique et pilote d’hélicoptère. Inspiré par les efforts et les exploits des participants à cet événement de type paralympique, le prince décida d’en lancer une version internationale en 2014, les Jeux Invictus (du mot latin « invaincu »).

Les Jeux Invictus regrouperont cette année 550 concurrents de 17 nations alliées et présenteront pour la première fois le golf parmi la douzaine de disciplines sportives adaptées inscrites au programme. Le St. George’s Golf and Country Club de Toronto, hôte de l’Omnium canadien à cinq reprises, accueillera le 26 septembre la compétition d’une journée où une soixantaine de golfeurs sont attendus. Gratuitement accessible au public, le tournoi se jouera en formule plus bas score net calculé selon le système de points Stableford avec double bogey comme maximum pour aider au rythme de jeu. Des règles de terrain s’appliqueront aussi lorsque des golfeurs à mobilité réduite seront confrontés à des obstacles sérieux.

« Lorsque les organisateurs des Jeux Invictus ont dit qu’ils voulaient tenir le tournoi de golf au prestigieux St. George’s, j’ai pensé “bien sûr, qui ne voudrait pas?”, déclare Jim Clark, président du comité organisateur de la compétition de golf. Après notre rencontre avec le directeur général du club, Jason Clarke, le conseil de St. George’s a voté “oui” à l’unanimité, puis a demandé : “Que pouvons-nous faire de plus pour que ce encore mieux?” »

Clark, qui a présidé l’Omnium canadien RBC deux fois depuis 2002, ainsi que la compétition de golf des Jeux panaméricains en 2015, reçoit beaucoup de ce genre d’appuis à l’introduction du golf aux Jeux Invictus.

« On avait besoin de 60 bénévoles et on a vite dépassé ce nombre, explique-t-il. Je n’ai jamais rien vu de pareil. On a dû refuser plus de 100 bénévoles, aussi enthousiastes qu’expérimentés, de l’Omnium canadien. »

Le royal rouquin qui distribuera les médailles sur le 18e vert résume bien l’esprit qui anime les Invictus : « Ces Jeux mettent en évidence le tempérament invincible des militaires, hommes et femmes, et de leurs familles, l’esprit invictus qui les anime », a déclaré le prince Harry.

Aux côtés de Martineau, au sein de l’équipe canadienne de golf, il y a aussi Karyne Gélinas, 37 ans, de Moncton, membre du Country Meadows Golf Club. Blessée au bas du dos dans un accident de voiture en 1998, la capitaine des Forces armées canadiennes (FAC) a dû se retirer de son poste de contrôleuse aérienne l’automne dernier quand sa blessure s’est aggravée. Elle s’entraîne maintenant 10 à 12 heures par jour dans l’espoir de marcher les 18 trous du club St. George’s en septembre.

« Invictus m’a donné un nouvel objectif, affirme Gélinas, qui était déjà athlète de compétition dans plusieurs sports avant son accident. C’est une expérience extraordinaire qui m’a fait rencontrer des gens formidables. Ça va être super de représenter mon pays et de porter à nouveau le drapeau canadien. »

« Quand on est prêt à donner sa vie pour ses camarades, on a un sentiment d’échec lorsqu’on se voit retiré de l’équation », ajoute Martineau, qui aide maintenant ses collègues anciens combattants à cheminer vers la guérison physique et émotionnelle en collaboration avec le service de Soutien social, blessures de stress opérationnel (SSBSO) du ministère de la Défense nationale. « Certains de ces athlètes n’on jamais resocialisé et les voilà de nouveau réunis au sein d’une équipe. On ne peut mesurer l’effet positif de ces Jeux, ça peut transformer une vie. »

Lui-même s’est rétabli au point de pouvoir se tenir sur ses deux jambes, de jouer au golf avec 12 de handicap et de claquer des coups de départ à près de 240 verges sur son parcours d’attache, mais il ne sait jamais quand sa jambe gauche va le lâcher. En fauteuil roulant pendant trois ans après avoir été blessé, il a fait d’énormes progrès depuis.

Martineau participera également aux compétitions de basketball en fauteuil roulant aux Jeux, lui qui adhère au programme Sans limites des FAC – une initiative qui aide les militaires actifs et les vétérans à surmonter leurs maladies ou blessures grâce à l’activité physique – et au soutien qu’offre le programme aux participants des Jeux Invictus.

« Mais ce n’est pas pour les médailles, conclut-il. C’est pour le cheminement personnel. »

Pour de plus amples renseignements sur les Jeux Invictus ou pour obtenir des billets, visitez le site invictusgames2017.com.


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Cet article a été publié dans l’édition juin 2017 du magazine Golf Canada. Pour lire l’article dans le format original, cliquez sur l’image.