Golf Québec

Quand une poignée de golfeurs décide de sauver le Pebble Beach du Québec

temp fix empty alt images for attachment
Club de golf Fort Prével
Pourquoi irions-nous jouer à Fort Prével en Gaspésie ?, demande-t-on dès le début de l’entrevue à Daniel Bouvrette, le directeur du club. Sa réponse étonne: « Pour venir vivre l’expérience Pebble Beach au Québec ! »

Ouf! Rien de moins! D’accord, on n’y a jamais mis les pieds pour juger par nous-mêmes mais de là à comparer son terrain de golf à Pebble Beach, l’un des plus beaux parcours au monde, me semble qu’on va peut-être dans l’exagération… De plus, en poste depuis à peine un an, M. Bouvrette admet qu’avant son entrée en fonction, le monde du golf lui était pas mal inconnu.

Alors, vous n’en beurrez pas trop épais, monsieur le directeur?, insistons-nous. Même si l’entretien a lieu au téléphone, on sent qu’il garde son aplomb, qu’il tient à sa comparaison. De plus, il enchaîne avec une anecdote certifiant ses dires.

« L’été dernier, relate-t-il alors, j’ai approché un client américain qui venait régulièrement jouer. Il a sa maison d’été dans le secteur. Je lui ai demandé s’il aimait le parcours. Il a tout de suite répondu: Bien sûr! On se croirait à Pebble Beach ! »

« Je lui ai alors répliqué que sa réponse me plaisait car nous-mêmes, ici, à Fort Prével, on ose comparer notre terrain à Pebble Beach. On avait un peu peur d’exagérer. » Le type a ajouté: « Bien sûr que votre terrain ressemble à Pebble Beach, j’y joue régulièrement, je demeure à côté. »

Quand les citoyens s’en mêlent

Mais savoir si le terrain de Fort Prével ressemblait ou non au célèbre Pebble Beach n’était pas le but premier de notre appel. Cela faisait quelque temps que plusieurs personnes nous disaient à quel point il s’était passé quelque chose d’exceptionnel là-bas, au bout de la pointe de la Gaspésie. Alors on a donc fouillé…

Et nous avons constaté que quand une poignée de golfeurs et de citoyens décident de sauver un club de golf, tout est possible.

Pour la petite histoire, rappelons que Fort Prével, avec son golf, son terrain de camping, son auberge et ses chalets, a été construit dans les années 1950 par le gouvernement provincial qui en a fait un lieu d’enseignement pour la gastronomie. Petit à petit, la vocation a changé et c’est la SEPAQ (Société des établissements de plein air du Québec) qui en a pris les commandes. Mais cette dernière a décidé de fermer Fort Prével en 2015.

« Nous, les membres du club de golf, avons appris au printemps de cette année-là que c’était notre dernière saison de golf! Et à l’automne, la SEPAQ allait en appel d’offres dans le but de vendre l’établissement et le club de golf. En janvier 2016, personne ne s’était montré intéressé. Alors on a créé le comité de citoyens Relance Fort Prével, » raconte M. Gilles Pelletier, président de ce comité.

Soulagement

Florent Fournier, 64 ans, a grandi, pour ne pas dire a vécu, carrément sur le terrain de Fort Prével. Il y a été cadet, joueur junior, compétiteur de haut calibre, surintendant, enseignant et maintenant, en plus de continuer à donner des cours de golf, il est un bénévole très actif. Pour lui, pas de doute, la survie de Fort Prével est un grand soulagement.

« Comme cela aurait été dommage si ce club de golf avait fermé, soupire-t-il. C’est un joyau! C’est sûr qu’il reste encore des rénovations à faire ici et là, comme à la piscine de l’auberge, mais c’est quand même incroyable cette relance. Je lève mon chapeau aux gens qui se sont dévoués pour le club. »

Comme la SEPAQ ne semblait pas à l’aise avec cette vocation golfique, elle a plutôt négligé les lieux, dit-on. Alors le comité de citoyens qui s’est formé pour relancer Fort Prével, a cogné à plusieurs portes.

« On nous a écoutés, précise le président Gilles Pelletier. C’est sûr que les municipalités de Gaspé et de Percé tenaient elles aussi à ce que Fort Prével continue ses opérations, alors on a eu leur appui. Cela nous a aidés quand on a approché les ministres. Ils nous ont donc octroyé des subventions et des prêts, tout en disant que si notre plan d’affaires tenait le coup, ils continueraient de nous aider. »

« Et là, poursuit-il, cela fait trois ans, on remplit bien nos obligations, alors nous souhaitons que les promesses d’aides faites à cette époque vont être tenues. Car on ne veut pas recommencer continuellement la relance, on veut opérer dans les meilleures conditions. »

Saison record

On a là un bel exemple de détermination, de force collective. Des gens, une région, n’ont pas voulu qu’une institution locale ferme. Alors ils se sont levés et ont fait leur preuve: Fort Prével était déficitaire il y a trois ans, soit dans le rouge de l’ordre de 750 000 $, ce chiffre tombait à 150 000 $ l’année suivante et, en 2018, il passait à 80 000 $.

« Ce n’est pas encore l’équilibre budgétaire, mais on y est presque», mentionne M. Pelletier qui tient à rappeler que l’engagement bénévolat chez ceux et celles tenant à Fort Prével, a atteint plus de 12000 heures! »

« En moins de trois ans, continue-t-il, nous avons doublé le chiffre d’affaires. Le membership au golf a lui aussi doublé. Du côté de l’hébergement, nous avons eu 3400 nuitées en 2017. L’an passé, elles étaient à plus de 6000! Et le terrain de camping a été plein toute la saison. »

De son côté, le directeur Daniel Bouvrette a bien confiance que 2019 sera elle aussi une bonne année pour Fort Prével.

« On va être présent partout au Québec pour inciter les gens à venir nous voir, à venir golfer chez nous. Car cela en faut vraiment la peine! Le terrain a été grandement amélioré. L’an passé on avait des verts de grande qualité. Et il y a bien sûr le coup d’oeil, le paysage. C’est quelque chose avec le parc Forillon juste en face et la mer tout près! C’est quand même le Pebble Beach du Québec », nous sert-il encore, convaincant.

Collaboration spéciale de Martial Lapointe (www.golf-martial-lapointe.com)