Quelques heures après avoir réussi son roulé vainqueur à la Classique RSM, une fois les spectateurs partis et la cohue médiatique franchie, Mackenzie Hughes se retrouve enfin dans sa voiture en compagnie de sa mère, Sandra, et de son épouse Jenna, tous trois épuisés par cette semaine tourbillonnante à Sea Island, Géorgie.
Quatre rondes dans la soixantaine – dont une première éclatante de 61 – et une finale victorieuse par élimination lundi viennent de transformer la vie de Hughes, mais le nouveau gagnant du Circuit de la PGA n’est pas encore prêt à célébrer. De sa voiture, il appelle Derek Ingram.
« La première chose qu’il m’a dite, c’est “On va au Masters!”, raconte Ingram, entraîneur-chef d’Équipe Canada. Après 15 minutes d’échanges, il lance : “Derek, il faut changer notre façon de planifier et mon calendrier cette année. On doit établir de nouveaux objectifs, je veux vraiment faire quelque chose de spécial et il faut qu’on se rencontre d’ici deux jours pour examiner notre plan, le calendrier et nos objectifs.” »
Ingram avoue qu’à ce moment-là, Hughes l’a étonné par son attitude professionnelle et sa focalisation sur l’avenir. À peine arrivé sur le Circuit de la PGA, il se conditionnait déjà pour le Masters, le Players, le Championnat de la PGA et la Coupe FedEx. L’entraîneur adore cela et, tout compte fait, il n’est pas vraiment surpris du nouveau Hughes.
En effet, le golfeur s’est toujours fait remarquer par sa grande maturité. Ses amis le décrivent en termes élogieux : intelligent, délibéré, discipliné, modeste et poli. Autant de qualités qu’il affiche tant à la ville que sur les parcours de golf, où il ne cesse de peaufiner son jeu et d’obtenir de bons résultats.
« Ça m’épate toujours de voir à quel point il soigne sa préparation et son entraînement, ajoute Ingram. Mackenzie a de tout temps eu de bonnes habitudes et fait ce qu’il fallait. »
La tactique de Hughes s’est aiguisée au fil des ans grâce au travail qu’il a accompli avec son entraîneur personnel Scott Cowx et à l’expérience qu’il a acquise au sein des formations amateur et Jeune Pro de Golf Canada. Cela lui a permis d’être solide dans chaque catégorie, plutôt que d’exceller dans une seule. Cette approche, combinée à sa grande faculté de concentration, a fait ses preuves dès la première année de Hughes comme professionnel en 2013, lorsqu’il a remporté la Classique Celtique du Cap-Breton sur le Circuit Mackenzie PGA Tour Canada au Club de golf The Lakes à Ben Eoin, N.-É., puis l’Ordre du mérite de ce circuit.
Durant cette semaine déterminante à l’île du Cap-Breton, Hughes dormait au sous-sol du bungalow de Rick et Sharon Preeper, sa famille d’accueil pour le tournoi.
« Il partait s’exercer, jouait sa ronde et rentrait souvent à la maison avant nous, se souvient Sharon. Le soir, il aurait pu aller fêter avec les autres, mais ça ne l’intéressait pas. Il n’était ici que pour jouer au golf et il était très concentré sur ce qu’il faisait. »
« Après le tournoi, je suis descendu au sous-sol et j’ai trouvé une dizaine de balles de golf sous le divan, raconte Rick. Il pratiquait ses roulés sur le tapis et quelques balles ont abouti sous les meubles. »
Les Preeper et Hughes s’écrivent chaque mois et ce sont eux qui ont hébergé le golfeur les deux années suivantes pour la Classique Celtique. Ils ont enregistré les quatre rondes de la Classique RSM l’automne dernier – Sharon avoue qu’elle était si nerveuse, la veille de la ronde éliminatoire du lundi, qu’elle n’a pas dormi de la nuit – et les Preeper ne sont que deux des innombrables Canadiens qui appuient Hughes.
« Il y a beaucoup de monde, au club The Lakes, qui suit de près sa carrière, ajoute-t-elle. En novembre dernier, quand il jouait si bien à ce tournoi, on recevait plein de messages d’encouragement pour lui sur Facebook, de la part de nos amis et de membres du club. Ça en dit beaucoup en sa faveur, venant de gens qui ne l’ont rencontré qu’une ou deux fois. »
Tous ceux qui ont fréquenté Hughes plus assidument connaissent de première main la solide éthique du travail et la soif de succès qui animent le golfeur de 27 ans. John Kirkwood, professionnel en chef au club d’attache de Hughes, le Dundas Valley Golf & Country Club, observe depuis près de 20 ans cette pulsion inhérente. Il a fait sa connaissance quand Mackenzie était membre junior du club.
Kirkwood décrit le jeune homme originaire de Dundas, Ontario, comme étant le genre de gars qui se dit toujours : « Je vais y arriver. » À preuve, c’est en écrivant aux entraîneurs de la NCAA qu’il a réussi à décrocher une bourse d’études pour l’Université Kent State. L’accession de Hughes au Circuit de la PGA et sa victoire subséquente font foi de sa détermination et ont ravi les membres de Dundas Valley.
« Je dois dire que ça ralentit mon travail au club, parce que chaque membre a une anecdote sur Mackenzie à me raconter, explique Kirkwood. Chacun veut me parler de lui. Moi qui adore placoter, je suis dépassé, tout le monde est tellement emballé par son succès. »
Comme tous les golfeurs arborant le rouge et blanc canadien, Hughes a rallié des fans d’un océan à l’autre. Enfant, il avait assisté à quelques Omniums canadiens pour voir en personne ses héros, tel Mike Weir dont les victoires, en particulier son triomphe de 2003, restent gravées dans sa mémoire. Hughes est aujourd’hui ce golfeur, à l’intérieur des cordes, que les jeunes vont admirer. Son humilité et sa passion le rendent d’autant plus sympathique, à l’instar des grands athlètes canadiens que nous avons applaudi avant lui.
« Je ressens cet appui au Canada et son écho ailleurs dans le monde, a déclaré Hughes après sa victoire. Tous ces gens qui m’encourageaient cette semaine, c’est pour eux que j’ai gagné, pour ma ville natale de Dundas, et c’est une sensation extraordinaire. Après avoir mené toute la semaine, gagner ainsi en éliminatoire à cinq, les mots me manquent! »
Maintenant qu’il se classe parmi les meilleurs golfeurs au Canada, Hughes se concentre sur l’avenir. Que va-t-il faire ensuite? Comment jouera-t-il à Augusta? À quand sa prochaine victoire? Peut-il remporter un tournoi majeur? Les réponses viendront, en temps et lieu. Pour l’instant, comme Ingram, savourons le plaisir de voir un autre athlète méritant se tailler une place dans notre histoire. Il est le 16e Canadien à remporter un tournoi du Circuit de la PGA.
« Je n’ai probablement jamais ressenti autant de satisfaction et de joie pour un golfeur, depuis 20 ans que je fais ce boulot, conclut Ingram. C’est arrivé au bon gars. Il a tout fait comme il faut, il a travaillé plus fort que quiconque et il est aussi le joueur le plus entraînable avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler. »
Cet article a été publié dans l’édition de avril 2017 du magazine Golf Canada. Pour lire l’article dans le format original, cliquez sur l’image.