Patrick Reed: le champion impopulaire

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Après avoir repoussé les attaques de Jordan Spieth et de Rickie Fowler, Patrick Reed était fier comme un paon lorsqu’il a fait son entrée dans la magnifique salle de conférence du Augusta National Golf Club. À 27 ans, « Captain America » entrait dans la légende du Masters… envers et contre tous !

Les dirigeants du club le plus prestigieux en Amérique, peut-être même de la planète toute entière, ne le diront pas ouvertement, mais ils auraient préféré que le veston vert soit remis à Spieth, Fowler ou Rory McIlroy. Ils devront maintenant accueillir Reed à leur table chaque printemps lors du dîner des Champions.

À cause de son passé trouble, Reed n’est pas et ne sera jamais un athlète immensément populaire. Tout le monde reconnaît cependant son talent pour frapper la balle, sa passion et son désir de vaincre. Ses exploits en coupe Ryder, à Hazeltine, ont fait sa renommée et sa victoire à Augusta, en plus du chèque de près de deux millions de dollars, lui permet de gravir une autre marche dans la hiérarchie.

« J’aimerais que les gens sachent qui je suis exactement, a dit Reed. Je me fiche de ce qu’on raconte sur moi sur Twitter ou sur les autres médias sociaux. Je suis parfaitement à l’aise avec ma vie et avec mon passé. Vous pouvez me traiter de tous les noms. Celui que je préfère est « Captain America » !

Un passé pas très clair

Reed a commis quelques erreurs de jeunesse. Il a été expulsé de l’Université de la Géorgie. On l’a même accusé d’avoir triché au golf et d’avoir volé de l’argent à ses compagnons de jeu. Tout cela n’est pas très clair. Il a poursuivi son chemin à l’Université d’Augusta où il a aidé son équipe à remporter deux championnats de la NCAA avant de devenir professionnel.

Comme si ça ne suffisait pas, il est en brouille avec ses parents depuis cinq ou six ans. Son épouse Justine aurait foutu le bordel dans la famille…

Non, mais est-ce qu’on s’en fiche !

Toujours est-il que Reed est le nouveau roi d’Augusta et sa plus récente victoire est parfaitement légitime. Après avoir « mangé » les normales 5 durant les trois premières rondes, il s’est présenté au tertre de départ avec une avance de trois coups, le dimanche après-midi, et il a fait preuve de beaucoup de sang-froid pour rester au sommet. Il n’est jamais facile de « garder la pôle » dans un tel contexte.

« Je savais très bien que Spieth et Fowler étaient à mes trousses, a-t-il ajouté. À partir du 8e trou, mon cadet m’a fait comprendre qu’il était inutile de consulter le tableau des meneurs. Il m’a rappelé de suivre le plan de match et de « jouer au golf » comme j’en suis capable. C’est ce que j’ai fait jusqu’à la fin.

« Je savais aussi que la foule était derrière Rory (McIlroy) en début de match, a-t-il dit, répondant à une autre question. Il y a un tas de gens qui voulaient le voir compléter son grand chelem et c’est normal. Pourquoi pas ? Ça m’a servi de motivation additionnelle. Je me suis dit que je devais rester concentré et vivre le moment présent. Mon erreur par le passé était de me mettre trop de pression sur les épaules. »

Il y a deux ou trois ans, le golfeur de San Antonio a soulevé la polémique en disant qu’il se voyait parmi les cinq meilleurs au monde. « Je ne regrette pas ce commentaire, a-t-il poursuivi. Je ne crains pas de dire ce que je pense, que ça plaise ou non. Je ne manque pas d’ambition et je souhaite devenir le meilleur de tous. Je suis content de voir où j’en suis rendu ».

Il faut toujours un peu de chance pour gagner un tournoi de cette envergure. Reed a eu de la veine au 13e trou, lorsque sa balle est restée accrochée dans le gazon à court du vert au lieu de reculer dans le fameux ruisseau appelé Rae’s Creek. Ça lui a permis de sauver la normale et de rester en tête.

Un peu plus tard, le nouveau champion a réussi un coup roulé très important au 17e pour « sauver » la normale. Il a ensuite attaqué le dernier trou avec confiance et inscrit une normale relativement facile pour devancer Fowler par un seul petit coup.

Le message de Spieth

Si la victoire de Reed est parfaitement méritée, il n’en reste pas moins que Jordan Spieth a été la grande vedette de la finale avec neuf oiselets et un score de 64. Trop peu trop tard, direz-vous, mais il faut avoir un immense talent pour retrancher huit coups à la normale le dimanche après-midi.

« Je pense que je viens de prouver à tout le monde que je ne lâche jamais », a déclaré le Texan avant de rentrer à la maison.

Fowler, certes un des joueur les plus populaires de la nouvelle génération, a fait presque aussi bien que Spieth, réussissant six oiselets sur les 11 derniers trous. Il est venu à un cheveu de forcer la prolongation, mais Reed a refusé carrément de flancher.

Au lieu de se plaindre de son sort, Fowler a déclaré : « Patrick n’a peur de rien. Vous l’avez vu faire en coupe Ryder et en d’autres occasions. Il joue de façon combative et ne vous laisse aucune chance. Il faut travailler fort pour le battre. Je vais continuer à bûcher pour remporter mon premier tournoi majeur ».

Enfin, disons que Rory McIlroy a été la grande déception de la journée. Le veston vert était à sa portée, mais il a trouvé le moyen de commettre cinq bogeys en route vers un score de 74.

Incompréhensible pour un joueur de son talent. « C’est comme s’il s’était déguisé en golfeur et que le costume ne lui allait pas », a dit Nick Faldo, trois fois champion à Augusta.

Chose certaine, le golf de la PGA est en parfaite santé avec des joueurs comme Spieth, Fowler, McIlroy, Thomas, Day, D.J., Fleetwood et Reed.

Quant à Tiger, il devra trimer dur pour s’immiscer dans la conversation.